Depuis six mille ans
La guerre plait aux peuples querelleurs
Et Dieu pert son temps
A faire des étoiles et des fleurs
Les conseils du ciel immense,
Du lys pur, du nid doré
N'otent aucune démense
Au coeur de l'homme effaré
Les carnages, les victoires ,
Voilà notre grand Amour
Et les multitudes noires
Ont pour grelot le tambour
La gloires sous ses chimères
Et sous ses chars triomphants
Met toutes les pauvres meres
Et tous les petits enfants
Notre bonheur est farrouche,
C'est de dire allons mourrons
Et c'est d'avoir à la bouche
La salive des clairons
L'acier luit , les bivouacs fument,
Pâles nous nous déchainons
Nos sombres ames s'allument
Aux lumières des canons
On pourrait boire aux fontaines,
Prier dans l'ombre à genoux
Aimer, songer sous les chènes,
Tuer son frère est plus doux
On se hache, on se harponne,
On court par mont et par vau
L'épouvante se cramponne
Du poing au crin des chevaux
Et l'aube est là sur la plaine,
O j'admire en vérité
Qu'on puisse avoir de la haine ,
Quand l'allouette a chanté
( Victor Hugo)